Sunday, October 22, 2017

Un embryon aviaire pour retracer l’histoire d’un cancer métastatique dévastateur de l’enfant

Le neuroblastome (NB) est un cancer pédiatrique dévastateur, qui tire son origine d’une population de cellules embryonnaires, la crête neurale. Cette particularité complexifie la modélisation des étapes de formation du NB et de sa dissémination. L’équipe de Valérie Castellani à l’Institut NeuroMyoGène, a conçu un modèle biologique inédit de NB, basé sur l’embryon aviaire, qui lui a permis d’élucider des processus clefs de l'émergence du NB et de sa dissémination métastatique. Cette étude qui ouvre la voie au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, a été publiée le 9 octobre 2017 dans la revue Cancer Cell.

Le neuroblastome (NB) est un cancer pédiatrique d’origine embryonnaire au pronostic particulièrement sombre. 60% des enfants affectés présentent des métastases étendues, et ce, dès le diagnostic. Le NB dérive de la transformation maligne d’une population cellulaire embryonnaire transitoire et hautement migratoire, la crête neurale, responsable de la formation de nombreuses structures de l’organisme. Le NB peut affecter de très jeunes enfants, voire parfois être diagnostiqué avant la naissance. Ce contexte d’organisme en développement est ainsi indissociable de la progression de la pathologie. Cependant, il limite considérablement les possibilités d’études chez les patients et les modélisations de la pathologie humaine chez l’animal. De ce fait, l’étiologie des NB agressifs et les mécanismes qui sous-tendent leur dissémination restent encore largement inconnus.
L’équipe de Valérie Castellani s’est focalisée sur ce contexte embryonnaire et a conçu un nouveau modèle biologique pour explorer son impact sur la pathologie neuroblastique.

Ce modèle consiste à replacer des échantillons humains de NB rendus fluorescents dans leur contexte d’origine que sont les cellules de la crête neurale destinées à former les ganglions sympathiques et les glandes médullo-surrénales. Ceci révèle tout d’abord que confrontées à leur environnement embryonnaire originel, les cellules de NB reproduisent une migration stéréotypée et orientée typique des cellules de crête neurale physiologiques, pour former, en 48h, des masses tumorales proliférant dans les sites sympathiques et médullo-surrénaux, sièges majeurs d’émergence des NB chez l’enfant. De plus, le modèle reproduit une seconde phase de dissémination massive vers des sites secondaires, et révèle que les cellules de NB métastasent via des structures embryonnaires qui agissent comme de puissants vecteurs : les nerfs périphériques et l’aorte dorsale embryonnaire. Ces données ont été obtenues à partir de lignées cellulaires établies mais également à partir de lignées primaires et de biopsies de tumeurs humaines, ces dernières reproduisant ces comportements à l’identique.

L’analyse du transcriptome des cellules de NB naïves et des masses tumorales formées dans les dérivés sympathiques, a permis d’identifier un vaste réseau de régulations géniques reflétant l’influence du microenvironnement embryonnaire sur les cellules de NB. Parmi ces gènes, les chercheurs ont identifié une voie de signalisation dont la modulation au sein des cellules de la tumeur primaire agit comme un interrupteur de la dissémination métastatique. Ainsi, la diminution de l’expression de la Sémaphorine 3C, une molécule jouant des rôles clefs dans la formation de plusieurs organes dans l’embryon, rompt la cohésion des cellules de NB au sein de la masse tumorale. La modulation de cette signalisation pro-cohésive dans la tumeur primaire, qui implique les récepteurs Neuropilines et Plexines, conduit à la désolidarisation des cellules tumorales et leur engagement dans un processus de dissémination à distance. Ces analyses fonctionnelles, couplées à l’étude de cohortes de patients, identifient ainsi un nouveau mécanisme pro-métastatique induit par le microenvironnement embryonnaire où émergent les NBs chez l’enfant.

Au-delà de cette première étude, l’exploitation de ce modèle permettra d’explorer de nouveaux pans de la biologie du NB et d’ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de ce cancer qui font encore aujourd’hui cruellement défaut.



Figure. Les cellules humaines de neuroblastome (en vert et rouge) greffées dans l’embryon aviaire recréent des tumeurs. L’encart montre un embryon aviaire entier (en bleu) deux jours après la greffe. Le panneau général illustre une coupe transversale de cet embryon qui a subi une double greffe de cellules de NB vertes et rouges, se distinguant par leur taux d’expression de la Sémaphorine 3C. Les cellules de neuroblastome forment une masse tumorale au niveau des dérivés sympathiques et adrénaux. Les cellules présentant une faible expression de Sémaphorine 3C (rouges) se désolidarisent de la masse principale pour disséminer à distance, alors que les cellules dont l’expression de la Semaphroine 3C est forte (vertes) restent cohésives au sein de la tumeur primaire.
© Valérie Castellani

Ref


Microenvironment-Driven Shift of Cohesion/Detachment Balance within Tumors Induces a Switch toward Metastasis in Neuroblastoma.
Delloye-Bourgeois C, Bertin L, Thoinet K, Jarrosson L, Kindbeiter K, Buffet T, Tauszig-Delamasure S, Bozon M, Marabelle A, Combaret V, Bergeron C, Derrington E, Castellani V.
Cancer Cell. 2017 Oct 9;32(4):427-443.e8. doi: 10.1016/j.ccell.2017.09.006


Valérie Castellani
Institut NeuroMyoGène
CNRS UMR 5310 - Inserm U1217- Université Claude Bernard Lyon 1
Bâtiment Mendel
16 rue Raphaël Dubois
69622 Villeurbanne Cedex

04 72 43 26 91 / 06 60 53 58 76

Céline Delloye-Bourgeois
Institut NeuroMyoGène
CNRS UMR 5310 - Inserm U1217- Université Claude Bernard Lyon 1
Bâtiment Mendel
16 rue Raphaël Dubois
69622 Villeurbanne Cedex


Le senseur énergétique AMPK régule/contrôle le DEVENIR des cellules souches musculaires adultes

Au cours de la régénération du muscle, une partie des cellules souches musculaires s’auto-renouvelle et retourne à un état de quiescence. Le contrôle de cet état est primordial pour l’équilibre du muscle squelettique. L'équipe de Rémi Mounier à l'Institut Neuromyogène, met en évidence que le senseur énergétique AMPK régule le retour à la quiescence des cellules souches musculaires via la régulation de l’activité d’une enzyme clé du métabolisme glycolytique : la lactate déshydrogénase. Cette étude publiée le 17 mai 2017 dans la revue EMBO Journal, ouvre la voie à la caractérisation d'agents pharmacologiques modulateurs de l'homéostasie des cellules souches musculaires et utilisables pour le traitement des myopathies dégénératives.


Dans le muscle squelettique sain adulte, les cellules souches musculaires (cellules satellites) sont quiescentes sous la lame basale tout le long de la fibre musculaire. Après une blessure, ces cellules s’activent, prolifèrent puis sont capables de se différencier pour réparer les myofibres endommagées. Elles peuvent aussi s’auto-renouveler et retourner à un état de quiescence afin de reconstituer la réserve de cellules souches. Les voies moléculaires qui contrôlent le retour à la quiescence sont donc essentielles à l'homéostasie du muscle tout au long de la vie. Elles ont commencé à être identifiées au cours des toutes dernières années seulement. Dans d’autres tissus, comme la moelle osseuse, la régulation du devenir des cellules souches dépend de leur métabolisme.

L'AMPK (5'AMP kinase) est un senseur énergétique coordonnant les processus consommateurs et producteurs d’énergie. C'est un senseur du niveau d'AMP dans la cellule qui induit une réponse catabolique quand celui-ci est trop élevé. De par ses fonctions régulatrices aux niveaux énergétique, métabolique et du cycle cellulaire, l’AMPK est un bon candidat pour le contrôle du choix entre différenciation et auto-renouvellement des cellules souches musculaires.

Différents systèmes expérimentaux complémentaires ont été mis en œuvre in vivo (modèles murins déficients pour l’AMPK spécifiquement dans les cellules souches musculaires ou dans les myofibres), ex vivo (myofibres isolées) et in vitro (cultures primaires), couplés à une approche pharmacologique. Les différentes phases du devenir des cellules souches, après un dommage musculaire, ont pu ainsi être explorées : prolifération, différenciation et auto-renouvellement/retour à la quiescence.

Les chercheurs montrent que le senseur énergétique AMPK contrôle le retour à la quiescence (ou auto-renouvellement) des cellules souches musculaires. En effet, les cellules souches musculaires déficientes pour l'AMPKa1 s'auto-renouvellent plus, induisant une altération de la régénération musculaire. En outre, ces cellules souches déficientes pour l'AMPKa1 ont un métabolisme principalement glycolytique. Cette augmentation du métabolisme glycolytique et de la régulation de l'auto-renouvellement est médiée par la lactate déshydrogénase (LDH), une enzyme non limitante dans les cellules différenciées, qui présente une activité fortement augmentée dans les cellules souches invalidées pour le gène de l'AMPKa1. Enfin, ils montrent que des nutriments spécifiques du métabolisme glycolytique ou oxydatif contrôlent directement le devenir des cellules souches musculaires via la voie de signalisation AMPKa1/LDH, attestant l'importance du métabolisme dans ce processus.

Ces travaux pourraient permettre de mettre en évidence de nouveaux régulateurs de l'homéostasie des cellules souches musculaires, facteur pouvant être modulé pharmacologiquement. Ceci est particulièrement intéressant au regard d'études récentes mettant en évidence un effet bénéfique de l’activation de l’AMPK dans les myopathies dégénératives, caractérisées par des cycles permanents de régénération.


L’inactivation de l’AMPKa1 induit une augmentation du retour à la quiescence des cellules souches musculaires via une stimulation de la glycolyse et de l’activité de la lactate déshydrogénase (LDH).
© Marine Theret/Rémi Mounier

Ref

http://www.cnrs.fr/insb/recherche/parutions/articles2017/r-mounier.html#

AMPKα1-LDH pathway regulates muscle stem cell self-renewal by controlling metabolic homeostasis.
Theret M, Gsaier L, Schaffer B, Juban G, Ben Larbi S, Weiss-Gayet M, Bultot L, Collodet C, Foretz M, Desplanches D, Sanz P, Zang Z, Yang L, Vial G, Viollet B, Sakamoto K, Brunet A, Chazaud B, Mounier R.
EMBO J. 2017 Jul 3;36(13):1946-1962. doi: 10.15252/embj.201695273. Epub 2017 May 17

Rémi Mounier
Institut Neuromyogène
CNRS UMR 5310 - INSERM U1217 - Université de Lyon
16, rue Raphaël Dubois
F-69622 Villeurbanne Cedex