Le neuroblastome (NB) est un cancer pédiatrique d’origine embryonnaire au pronostic particulièrement sombre. 60% des enfants affectés présentent des métastases étendues, et ce, dès le diagnostic. Le NB dérive de la transformation maligne d’une population cellulaire embryonnaire transitoire et hautement migratoire, la crête neurale, responsable de la formation de nombreuses structures de l’organisme. Le NB peut affecter de très jeunes enfants, voire parfois être diagnostiqué avant la naissance. Ce contexte d’organisme en développement est ainsi indissociable de la progression de la pathologie. Cependant, il limite considérablement les possibilités d’études chez les patients et les modélisations de la pathologie humaine chez l’animal. De ce fait, l’étiologie des NB agressifs et les mécanismes qui sous-tendent leur dissémination restent encore largement inconnus.
L’équipe de Valérie Castellani s’est focalisée sur ce contexte embryonnaire et a conçu un nouveau modèle biologique pour explorer son impact sur la pathologie neuroblastique.
Ce modèle consiste à replacer des échantillons humains de NB rendus fluorescents dans leur contexte d’origine que sont les cellules de la crête neurale destinées à former les ganglions sympathiques et les glandes médullo-surrénales. Ceci révèle tout d’abord que confrontées à leur environnement embryonnaire originel, les cellules de NB reproduisent une migration stéréotypée et orientée typique des cellules de crête neurale physiologiques, pour former, en 48h, des masses tumorales proliférant dans les sites sympathiques et médullo-surrénaux, sièges majeurs d’émergence des NB chez l’enfant. De plus, le modèle reproduit une seconde phase de dissémination massive vers des sites secondaires, et révèle que les cellules de NB métastasent via des structures embryonnaires qui agissent comme de puissants vecteurs : les nerfs périphériques et l’aorte dorsale embryonnaire. Ces données ont été obtenues à partir de lignées cellulaires établies mais également à partir de lignées primaires et de biopsies de tumeurs humaines, ces dernières reproduisant ces comportements à l’identique.
L’analyse du transcriptome des cellules de NB naïves et des masses tumorales formées dans les dérivés sympathiques, a permis d’identifier un vaste réseau de régulations géniques reflétant l’influence du microenvironnement embryonnaire sur les cellules de NB. Parmi ces gènes, les chercheurs ont identifié une voie de signalisation dont la modulation au sein des cellules de la tumeur primaire agit comme un interrupteur de la dissémination métastatique. Ainsi, la diminution de l’expression de la Sémaphorine 3C, une molécule jouant des rôles clefs dans la formation de plusieurs organes dans l’embryon, rompt la cohésion des cellules de NB au sein de la masse tumorale. La modulation de cette signalisation pro-cohésive dans la tumeur primaire, qui implique les récepteurs Neuropilines et Plexines, conduit à la désolidarisation des cellules tumorales et leur engagement dans un processus de dissémination à distance. Ces analyses fonctionnelles, couplées à l’étude de cohortes de patients, identifient ainsi un nouveau mécanisme pro-métastatique induit par le microenvironnement embryonnaire où émergent les NBs chez l’enfant.
Au-delà de cette première étude, l’exploitation de ce modèle permettra d’explorer de nouveaux pans de la biologie du NB et d’ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de ce cancer qui font encore aujourd’hui cruellement défaut.
Figure. Les cellules humaines de neuroblastome (en vert et rouge) greffées dans l’embryon aviaire recréent des tumeurs. L’encart montre un embryon aviaire entier (en bleu) deux jours après la greffe. Le panneau général illustre une coupe transversale de cet embryon qui a subi une double greffe de cellules de NB vertes et rouges, se distinguant par leur taux d’expression de la Sémaphorine 3C. Les cellules de neuroblastome forment une masse tumorale au niveau des dérivés sympathiques et adrénaux. Les cellules présentant une faible expression de Sémaphorine 3C (rouges) se désolidarisent de la masse principale pour disséminer à distance, alors que les cellules dont l’expression de la Semaphroine 3C est forte (vertes) restent cohésives au sein de la tumeur primaire.
© Valérie Castellani
Ref
Delloye-Bourgeois C, Bertin L, Thoinet K, Jarrosson L, Kindbeiter K, Buffet T, Tauszig-Delamasure S, Bozon M, Marabelle A, Combaret V, Bergeron C, Derrington E, Castellani V.
Cancer Cell. 2017 Oct 9;32(4):427-443.e8. doi: 10.1016/j.ccell.2017.09.006
Valérie Castellani
Institut NeuroMyoGène
CNRS UMR 5310 - Inserm U1217- Université Claude Bernard Lyon 1
Bâtiment Mendel
16 rue Raphaël Dubois
69622 Villeurbanne Cedex
04 72 43 26 91 / 06 60 53 58 76
Céline Delloye-Bourgeois
Institut NeuroMyoGène
CNRS UMR 5310 - Inserm U1217- Université Claude Bernard Lyon 1
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