Thursday, November 10, 2011

quelques évaluations du marché des revues scientifiques en milliars d'euro; Reed Elsevier;Thomson Reuters;Wolters Kluwer; Springer; Taylor-Francis ; Wiley-Blackwell

À l’heure où les possibilités techniques offertes par l’Internet suscitent tant d’engouement et d’utopies, il faut souligner qu’une grande partie des informations nécessaires à la poursuite de recherches, à la publication de résultats scientifiques, ne sont pour l’essentiel ni libres ni gratuites. À l’illusoire disponibilité universelle des publications s’oppose la dure réalité économique d’un marché mondial de l’information scientifiquedont dépendent de manière directe les institutions académiques et, partant, les bibliothèques de recherche.

Citons quelques chiffres pour situer les ordres de grandeur. On estime que le marché de l’information scientifique technique et médicale, hors fourniture de données géophysiques, représentait en 2008 environ 10 milliards d’euros (5). Si l’on ajoute l’information juridique, fiscale et réglementaire (9,3 milliards d’euros), le chiffre d’affaires global de l’industrie de l’information dans ces seuls domaines est évalué à près de 20 milliards d’euros (6). Les lettres et les sciences humaines et sociales constituent un marché plus étroit, et beaucoup plus fragmenté, notamment sur le plan linguistique.


   5  Rapport Outsell 2009, op. cit., et enquête Livres Hebdo (France) coéditée par Buchreport (Allemagn (...)
    6  Le chiffre d’affaires global de l’industrie de l’information est évalué à 250 milliards d’euros (2 (...)

Les produits de cette industrie sont bien entendu les livres papier, dans une certaine mesure les livres numériques (e-books), mais surtout les bases de données en ligne et les revues sur papier et numériques dont les abonnements sont souvent couplés. À tout cela s’ajoutent de plus en plus de services très élaborés intégrant l’ensemble de ces outils dans une spécialité donnée.

Les principaux clients sont d’une part les entreprises, le secteur de l’industrie pharmaceutique y occupant une place importante du point de vue du chiffre d’affaires, et d’autre part l’enseignement supérieur et la recherche, les bibliothèques étant généralement en charge des acquisitions documentaires pour le compte de leurs établissements.

Dans le domaine scientifique, technique et médical, le chiffre d’affaires mondial des revues est estimé à quelque 5 milliards d’euros. Ce marché est principalement celui des bibliothèques académiques qui représentent selon les disciplines entre 68 % et 75 % des acheteurs de revue dans le monde. 

(...)


Bien évidemment, les abonnements aux revues scientifiques ont toujours représenté une part importante des acquisitions des bibliothèques de recherche. Mais celles-ci ont dû faire face à une augmentation phénoménale du coût des revues. En France, entre 1980 et 1999, le coût des périodiques étrangers acquis par les bibliothèques universitaires a progressé de 229 % pour les lettres et les sciences humaines, et de plus de 600 % pour la pharmacie. De 2000 à 2007, ce taux d’augmentation a diminué mais il a tout de même atteint 50 % pour les mêmes périodiques étrangers. Aujourd’hui, dans un contexte de crise économique et financière, les bouquets d’abonnements électroniques augmentent en moyenne d’environ 5 % par an.

Que ce soit en France ou à l’étranger, les universités et les organismes de recherche ont d’autant plus difficilement résisté à ces augmentations considérables que l’édition scientifique est concentrée entre quelques grands groupes internationaux.

    7  Enquête Livres Hebdo (France), op. cit.

Aujourd’hui, trois entreprises réalisent à elles seules 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires (7). Il s’agit de Reed Elsevier qui emploie 32 000 salariés et dont les productions dans les domaines des sciences, de la médecine, du droit, et de la gestion sont numériques à 50 % ; de Thomson Reuters, dont les produits et les services numériques dans des disciplines similaires à celles que couvre Reed Elsevier constituent 90 % de l’activité ; et enfin de Wolters Kluwer (Amsterdam). Au-delà de ces trois grandes entreprises, les 100 premiers éditeurs représentent à peu près 67 % de la production mondiale.

    8  Le reste des titres se partage entre les sociétés savantes (30 %), les presses d’université ne rep (...)
    9  Cf. Short history of Elsevier, brochure publiée à l’occasion du 125e anniversaire de cet éditeur. (...)

Qui plus est, ces groupes ont racheté peu à peu les grandes revues de référence. Ainsi, sur les 9 360 titres indexés dans le Journal of Citation Report, quasiment les 2/3 sont édités par les grands éditeurs commerciaux (8). À titre d’exemple, on peut citer quelques titres appartenant au groupe Elsevier (9) comme The Lancet, Cell, Journal of Economic Theory, Journal of Molecular Biology, autant de revues à fort facteur d’impact dans lesquels doctorants et chercheurs souhaitent pouvoir publier.

Une analyse des principaux articles téléchargés en France corrobore cette analyse et montre que 45 % des titres consultés par les chercheurs sont commercialisés par quatre des plus grands groupes éditoriaux : Elsevier, Springer, Taylor-Francis et Wiley-Blackwell.

Référence électronique

Daniel Renoult, « Bibliothèques de recherche et mondialisation », in La mondialisation de la recherche, Paris, Collège de France (« Conférences »), 2011, [En ligne], mis en ligne le 05 août 2011, Consulté le 10 novembre 2011. URL : http://conferences-cdf.revues.org/305
http://conferences-cdf.revues.org/305
 http://conferences-cdf.revues.org/305#tocfrom2n1

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