Sunday, January 20, 2013

polémique au CNRS INIST et confusions dans le monde de l'édition scientifique

Depuis le 1er octobre, une polémique enfle chez les chercheurs. Elle connaît une ampleur inédite depuis la gueulante poussée par l’enseignant-chercheur Olivier Ertzscheid, relayée par Rue89.
L’« immense scandale » dénoncé concerne les pratiques d’un département du CNRS : l’Institut de l’information scientifique et technique (Inist), dont la mission est de « faciliter l’accès » aux résultats de la recherche.

Les grandes lignes de la polémique

Si l’accès est facilité, il n’est pas gratuit. L’Inist commercialise « un catalogue enrichi de 52 millions de notices » : articles de recherche, rapports, thèses, comptes-rendus de colloques, actes de congrès dans toutes les disciplines de la recherche. Il a répondu en 2011 à près de 200 000 commandes, pour des documents tirés de 4 500 revues.
Problèmes :
  • l’Inist commercialise des copies d’articles sans l’autorisation de leurs auteurs et sans même les avertir ;
  • aucun droit d’auteur ne leur est reversé ;
  • beaucoup d’articles vendus sont déjà disponibles gratuitement sur Internet, sur des plateformes en « open access ».
Or, comme de nombreux chercheurs, Olivier Ertzscheid milite pour que ses productions soient disponibles gratuitement sur son blog ou sur des plateformes d’archives ouvertes. Il insiste pour que ses contrats d’édition comportent « une clause permettant de déposer une version numérique dans des sites d’archives ouvertes, sans aucun délai d’embargo ».
L’archiviste paléographe et conservateur des bibliothèques Rémi Mathis rappelle sur son blog à quel point, dans le contexte de crise actuelle de l’édition scientifique, il est important « que les résultats de la recherche scientifique soient librement consultables par tous ».
D’autant que les prix des copies d’articles vendues par l’Inist (via son service de documentation Refdoc) sont exorbitants : Olivier Ertzscheid donne l’exemple de trois de ses articles, vendus chacun à 47,64 euros (avec dix jours d’attente) alors que ces mêmes articles sont disponibles gratuitement sur la Toile...
Comble du paradoxe, le CNRS promeut l’open access sur au moins deux de ses autres plateformes : Revues.org et HAL. Elles donnent accès, gratuitement, à des articles vendus sur Refdoc.

Le CNRS face à la justice

Les pratiques de l’Inist-CNRS ont déjà été condamnées. En 2010, un docteur en sciences politiques et juriste attaque l’Inist pour contrefaçon du droit d’auteur et a obtenu gain de cause. Le CNRS est condamné en première instance, puis en appel l’année suivante.
Avec le CNRS, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) est aussi condamné. Agréée par le ministère de la Culture, cette société gère les droits de copie des textes vendus sur Refdoc.

« L’Inist ment délibérément aux chercheurs »

Sur son blog, Rémi Mathis raconte son dernier échange avec l’Inist, lorsqu’il découvre deux de ses articles, « vendus entre 31 et 124,38 euros » selon la durée d’attente :
« Bien évidemment, je n’ai pas été payé pour ces articles. J’adresse alors un courrier à l’Inist pointant cette anormalité et demandant quelle était la base légale de cette vente, étant donnée la condamnation de 2011. On m’envoie l’argumentation pré-procès. Je réponds que je connais cette argumentation mais que nous savons tous deux qu’elle n’est pas juridiquement valide. Pas de réponse.
C’est-à-dire que l’Inist, pour protéger un fonctionnement illégal, s’est mis à délibérément mentir aux chercheurs qui se renseignent auprès d’eux. Quand la tromperie et le mensonge s’ajoutent à la contrefaçon, cela devient très grave. »

Le CFC et le CNRS se renvoient la balle

Sur le fait que le CNRS commercialise les articles sans le consentement de leurs auteurs, « on est dans les clous », répond un porte-parole de Cyrille Macquart, directeur général de l’Inist-CNRS, contacté par Rue89 :
« Nous avons signé un contrat avec le CFC, une agence de l’Etat et qui nous donne les autorisations nécessaires. Et c’est au CFC de vérifier auprès des éditeurs qu’ils ont bien les autorisations. Mais nous, nous sommes en contrat, nous sommes couverts. »
Il ajoute :
« Les documents vendus et publiés dans des revues et les documents déposés dans des archives ouvertes sont rarement les mêmes versions : nos utilisateurs et nos clients veulent des publications “in fine”, validées et révisées par les pairs. Ça n’est pas le même document. Nous aussi, nous prônons l’open access. »

C’est pas moi, c’est l’autre

Sur la forme, il rappelle que le procès mettant en cause la politique de l’Inist et du CFC a été renvoyé en cassation : « Attendons le jugement. » Qui s’est pourvu en cassation ? Le CFC, affirme l’Inist-CNRS.
« Désolé de contredire l’Inist-CNRS », rétorque le CFC. « Le CNRS fait bien partie du pourvoi. »
Après vérification auprès de la Cour de cassation, c’est bien l’Inist-CNRS, rejoint par le CFC qui a déclenché la procédure de pourvoi.
Le cafouillage peut faire sourire mais il résume assez bien l’habile jeu de ping-pong auquel se livrent à présent CNRS et CFC, face à la colère des chercheurs.
En termes très choisis, le CNRS « conseille de s’adresser au CFC » pour tout ce qui concerne les autorisations des auteurs et le reversement des droits d’auteur dont le CFC a la charge. Côté CFC, le directeur général adjoint, Philippe Masseron, réagit aux prix de ventes exorbitants des articles, dénoncés par les chercheurs :
« La politique commerciale mise en œuvre par l’Inist-CNRS est le problème du CNRS. Il ne s’agit pas de leur renvoyer la balle, mais en l’occurrence, c’est d’abord leur problème »

Une mobilisation des chercheurs inédites

Ces temps-ci, la colère des chercheurs prend une dimension inédite. Sur Twitter, elle se décline sous le hashtag (mot-clé) #inistgate.
Le député UMP Lionel Tardy, par ailleurs grand utilisateur de Twitter, vient de formuler une question à l’Assemblée nationale à paraître au Bulletin officiel, dans laquelle il interpelle la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sur le sujet.
Une pétition est ouverte depuis le 15 octobre par le collectif SavoirCom1, et recueille environ 300 signataires – profs, maîtres de conférence, bibliothécaires, conservateurs – autour de la défense d’« une science ouverte au-delà du cercle académique » et de l’open acces.
Les signataires qui rejoignent « le collectif des auteurs en colère » demandent le retrait de leurs documents du site Refdoc.
L’Association des bibliothécaires de France et ses 3 000 adhérents viennent aussi de demander à l’Inist de cesser la commercialisation de Bibliothèque(s) et Bulletin d’informations, des revues normalement gratuites... mais vendues sur Refdoc.
« A chaque fois qu’on nous demande de déréférencer, on déréférence. Il n’y a aucun souci », rassure l’Inist.

Que dit le CNRS ?

Le service com’ du CNRS a répondu tardivement aux critiques, via un lapidaire tweet de sa directrice de la communication, Brigitte Perucca.
L’Inist-CNRS annonce la publication imminente d’un « document » en réponse à la colère des chercheurs.
La perte de son procès aurait de lourdes conséquences pour l’Inist-CNRS. Son image serait sévèrement amochée et le Redfoc n’y survivrait pas.

« Le CNRS est un pignouf »

En attendant, hors champ universitaire, des auteurs se réveillent et s’aperçoivent qu’ils sont concernés par l’affaire, tel François Bon, qui réagit sur son blog :
« Enorme surprise donc à découvrir que le CNRS commercialisait sans nulle autorisation deux textes miens au moins, même sous la forme caricaturale (50 euros pour vous faire délivrer ces cinq pages par porteur !) d’un article en hommage à Bernard Noël paru il y a dix ans au moins dans la revue Europe. »
Le même article étant disponible sur le site Remue.net. Il s’associe à la protestation lancée par Olivier Ertzscheid et conclut :
« Je déclare donc que le CNRS est un pignouf. »

REF: http://www.rue89.com/rue89-culture/2012/10/18/le-cnrs-pignouf-qui-pille-les-chercheurs-236285?sort_by=thread&sort_order=ASC&items_per_page=50&page=1


en ce 20 janvier, il y a 100commentaires souvent affligeants vis-à-vis des connaissances dans le sciences de la la documentation

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